1. Introduction

Ce rapport analyse les indemnités de transfert investies lors des dix dernières saisons par les clubs à l’échelle mondiale afin de mesurer l’évolution des sommes engagées (premier chapitre) et l’inflation au niveau des prix des joueurs (deuxième chapitre). Cette dernière est mesurée tant de manière globale pour les joueurs toutes caractéristiques confondues que pour des segments de marché particuliers. Ces segments ont été déterminés selon le poste des joueurs transférés, leur âge au moment du transfert, ainsi que la zone géographique du club recruteur.

Toutes les données utilisées proviennent du travail de recherche de l’Observatoire du football CIES. Elles incluent autant que possible tant les indemnités de transfert fixes que les paiements conditionnels. La première partie prend aussi en compte les sommes versées dans le cadre de prêts payants. La comparaison avec les chiffres publiés chaque année par FIFA TMS pour les transferts internationaux indique une légère tendance à la sous-estimation, sans pour autant que les résultats présentés en soient affectés.

2. Sommes engagées

Les sommes investies par les clubs pour recruter des joueurs ont cru de manière presque ininterrompue entre les saisons 2013/14 et 2019/20, pour ensuite diminuer drastiquement lors de la saison 2020/21 marquée par la pandémie. Une reprise a été observée dès la saison suivante et la valeur enregistrée lors de la saison en cours est la deuxième la plus élevée de la dernière décennie. Tout au long de la période, nous observons également une augmentation progressive de la part des sommes engagées par les clubs de manière conditionnelle, qui dépasse désormais 15% du total des indemnités.

Figure 1 : indemnités de transfert (€ millions), bonus compris

Saisons 2013/14-2022/23

L’accroissement des sommes engagées par les clubs s’explique à la fois par une augmentation des transactions payantes, bien que probablement un peu surestimée du fait de quelques données manquantes pour les premières saisons étudiées, et l’inflation des prix, bien que dans ce cas aussi à relativiser quelque peu du fait de la part progressivement plus importante des sommes négociées de manière conditionnelle comme évoqué ci-dessus et illustré dans la Figure 2.

Figure 2 : prix moyen des transferts recensés (€ millions)

Saisons 2013/14-2022/23

Le prix moyen des transferts recensés en prenant en compte les paiements conditionnels est passé de €3,17 millions en 2013/14 à un pic de €5,01 millions en 2019/2020, pour ensuite baisser et augmenter de nouveau lors de la saison en cours. Bien que relativement moins important, un renchérissement a été aussi constaté sans considérer les sommes engagées par les clubs en tant que bonus : de €3,07 millions en 2013/14 à un maximum de €4,57 millions en 2019/2020.

La répartition des investissements des clubs sur le marché des transferts selon le poste des joueurs recrutés donne à voir l’augmentation relative des montants investis pour les footballeurs n’évoluant pas en attaque. Les attaquants demeurent néanmoins les joueurs les plus convoités sur le marché des transferts en représentant presque la moitié des sommes engagées par les clubs lors du dernier quinquennat analysé (contre 56,5% pendant le lustre précédent).

Figure 3 : répartition des investissements, par poste

Saisons 2013/14-2022/23

Par catégorie d’âge, nous observons une augmentation relative des sommes engagées pour les joueurs de 21 ans ou moins ou âgés entre 22 et 25 ans par rapport aux investissements effectués pour des footballeurs ayant entre 26 et 29 ans. Ce changement s’inscrit dans le contexte de la généralisation de la stratégie du trading de joueurs, à travers laquelle de plus en plus de clubs visent à générer des plus-values sur le marché des transferts dans un contexte de segmentation économique de plus en plus marquée.

Figure 4: répartition des investissements, par catégorie d’âge

Saisons 2013/14-2022/23

En ce qui concerne la zone géographique du club de recrutement, les principaux changements ont été observées après la pandémie. La crise sanitaire a en effet accéléré la domination économique des clubs de la Premier League anglaise, bien plus solides et résilients des équipes des autres championnats, y compris ceux des autres ligues du big-5. D’une moyenne de 25,4% entre 2013/14 et 2019/20, la part des investissements des clubs de Premier League sur le marché des transferts est passée à 35,5% après la pandémie, pour atteindre un niveau record de 40,2% lors de la saison en cours.

Figure 5: répartition des investissements, par ligue de recrutement

Saisons 2013/14-2022/23

3. Inflation des prix

L’inflation des prix des joueurs a été calculée sur la base d’un modèle statistique bâti sur un total de 5'244 transactions payantes conclues entre 2013/14 et 2022/23. Comme indiqué dans cet article scientifique, les valeurs de transfert estimées par le modèle économétrique, comprenant des variables telles que l’âge des joueurs, leur durée contractuelle, leurs performances, les résultats des équipes d’emploi, etc., sont corrélées à plus de 80% avec les sommes réellement investies par les clubs.

Le haut niveau de corrélation mesuré indique, d’une part, que les acteurs du marché suivent de manière prépondérante des logiques cohérentes pour déterminer les prix de transfert des joueurs, et, d’autre part, que ces logiques sont bien captées par les variables prises en compte dans le modèle statistique développé.

L’inflation des prix des transferts de joueurs aux caractéristiques similaires ou, autrement dit, toutes choses égales par ailleurs, est déterminée à partir de la variable « saison ». Pour déterminer l’inflation selon les segments du marché, nous avons construit autant de modèles statistiques que de catégories prises en compte, que ce soit au niveau des postes (cinq catégories), de l’âge des joueurs (quatre catégories) ou des zones géographiques des clubs recruteurs (trois catégories). Dans tous les cas, les corrélations entre valeurs estimées et indemnités payées sont d’au moins 75%.

Au niveau de toutes les transactions recensées, l’inflation moyenne annuelle mesurée lors des dix dernières saisons est de 9.0%. Cette moyenne a été de 13,8% entre les saisons 2013/14 et 2019/20, puis de -0,2% lors des trois saisons ayant suivi la pandémie avec d’abord une nouvelle augmentation dans un contexte de raréfaction des transferts payants, une forte baisse, puis un rebond. Sur l’ensemble de la période, l’inflation du prix de transfert des joueurs a été de 116% en prenant en compte les bonus et de 90% sans considérer les paiements conditionnels.

Figure 6 : inflation des prix de transfert, toutes choses égales par ailleurs

Contrairement au niveau du volume des investissements, où l’impact a été immédiat, du point de vue du prix des joueurs, l’effet de la pandémie a été constaté surtout lors de la saison 2021/22. En 2022/23, par contre, une nouvelle augmentation des prix toutes choses égales par ailleurs a été mesurée. Dans un contexte fortement spéculatif caractérisé par de nombreuses transactions et les très riches clubs de Premier League anglaise en bout de chaîne, les prix semblent destinés à atteindre des niveaux record dans un avenir proche.

Plutôt qu’au niveau des prix, à plus long terme, l’impact principal de la crise sanitaire aura vraisemblablement été celui d’avoir accéléré la tendance des clubs à inclure des pourcentages à la revente dans les transactions. À l’instar des paiements conditionnels, cette stratégie permet aux clubs acheteurs de réduire les coûts et risques financiers liés aux transferts et aux clubs vendeurs d’encaisser plus d’argent qu’ils ne l’auraient pu espérer tout de suite lors d’un transfert ultérieur.

L’inflation des prix des transferts lors de la dernière décennie est intervenue différemment selon les segments du marché. En ce qui concerne le poste des joueurs, par rapport à la saison 2013/14, les prix ont augmenté surtout pour les défenseurs centraux (12,5% d’inflation moyenne annuelle) et les défenseurs latéraux (11,1%). L’accroissement le plus limité a par contre été constaté pour les gardiens (5,2%), alors qu’une inflation d’un niveau similaire, légèrement supérieure à 8%, a été enregistrée pour les milieux-de-terrain et les attaquants.

Figure 7: inflation des prix de transfert par poste, moyenne annuelle

Taux de croissance annuelle, saisons 2013/14- 2022/23

D’importantes différences dans l’importance de l’inflation des prix de transfert ont été aussi enregistrées selon l’âge des joueurs. Nous observons en effet une baisse progressive de l’inflation en parallèle à l’augmentation de l’âge des footballeurs transférés. Ainsi, les prix des joueurs âgés de 21 ans ou moins au moment du transfert ont en moyenne augmenté de 12,8% par an lors de la dernière décennie. Ce taux est de 9,8% pour les joueurs transférés entre 22 et 25 ans, descend à 7,0% pour ceux âgés entre 26 et 29 ans, puis à 3,6% pour les footballeurs de 30 ans ou plus. C’est aussi au niveau de cette dernière catégorie qu’on a observé la déflation la plus forte après la pandémie.

Figure 8: inflation des prix de transfert par catégorie d’âge

Taux de croissance annuelle, saisons 2013/14- 2022/23

Au niveau de la zone géographique de recrutement, enfin, la principale différence a été observée entre les clubs de la Premier League anglaise et ceux du reste du monde. L’inflation des prix pour les transferts en direction des premiers a été en effet plus forte que celle enregistrée au niveau des mutations vers les seconds : 12,6% contre 8,5% pour les clubs des autres ligues du big-5 et 7.7% pour les équipes restantes.

Figure 9: inflation des prix de transfert par ligue de recrutement, moyenne annuelle

Taux de croissance annuelle, saisons 2013/14- 2022/23

4. Conclusion

Les sommes engagées pour le transfert de joueurs par les clubs de football professionnels à l’échelle mondiale ont fortement augmenté lors de la dernière décennie. Le total d’environ €9 milliards mesuré lors de la saison 2022/23 est le deuxième le plus élevé depuis la saison record de 2019/2020. Le rebondissement constaté en 2021/22 après la forte baisse de la saison 2020/21 marquée par la pandémie s’est donc poursuivie lors de la saison en cours, avec même un nouveau record pour une fenêtre de transfert hivernale en janvier 2023.

De générale avant la pandémie, l’augmentation des investissements en indemnités de transfert s’est surtout concentrée au niveau de la Premier League depuis la crise sanitaire. Lors de la saison 2022/23, les clubs de la première division anglaise ont engagé un pourcentage record des sommes de transfert investies à l’échelle mondiale : 40,2% contre en moyenne 25,4% entre 2013/14 et 2019/2020. Plus que jamais, les clubs de Premier League se trouvent au bout des chaînes de transfert et accroissent leur influence sur le marché mondial des joueurs.

Il n’est ainsi pas surprenant de constater que les prix des joueurs recrutés par les clubs de Premier League ont augmenté plus fortement que ceux des footballeurs engagés par les équipes extérieures à ce championnat : +12,6% contre +8,0% en moyenne annuelle. L’inflation a aussi été particulièrement marquée pour les défenseurs centraux (+12,5% par an), les défenseurs latéraux (+11,1%), ainsi que pour les joueurs de 21 ans ou moins (+12,8%).

D’une manière générale, les prix des joueurs toutes choses égales par ailleurs ont augmenté à un rythme annuel de 9,0% sur l’ensemble de la décennie. Cette moyenne a été de 13,8% entre les saisons 2013/14 et 2019/20, puis de -0,2% lors des trois saisons ayant suivi la pandémie. Cependant, après avoir fortement baissé en 2021/22, les prix des joueurs ont repris leur croissance en 2022/23, laissant présager un retour rapide à des niveaux records.

En dix ans, l’inflation du prix de transfert des joueurs a été de 116% en prenant en compte les bonus et de 90% sans considérer les paiements conditionnels. Cet écart s’explique du fait que la part des sommes engagées par les clubs de manière conditionnelle s’est accrue tout au long de la période. Les bonus versés selon les performances des joueurs ou les résultats de leurs équipes dépassent désormais 15% du total des indemnités.