Rapport mensuel de l'Observatoire du football CIES

n°37 - Septembre 2018

Analyse financière du marché des transferts dans le big-5 (2010-2018)

Drs Raffaele Poli, Loïc Ravenel et Roger Besson

1. Introduction

Depuis sa création en 2005, l’Observatoire du football CIES monitore les transferts de joueurs à travers les informations publiées par les clubs et les médias. Ce rapport analyse les transactions payantes intervenues depuis 2010 ayant impliqué des équipes des cinq grands championnats européens: Premier League anglaise, Liga espagnole, Bundesliga allemande, Serie A italienne et Ligue 1 française.

Le premier chapitre étudie dans une perspective historique les sommes payées en indemnités de transfert par les équipes du big-5, tandis que le deuxième analyse les clubs et championnats auxquels ces investissements ont bénéficié. Le troisième chapitre présente les bilans financiers tant à l’échelle des équipes que des ligues sur la période allant de 2010 à 2018.

Les chiffres publiés dans ce rapport incluent les indemnités de transfert fixes, les éventuels bonus, ainsi que les sommes versées dans le contexte de prêts payants. Les montants engagés dans le cadre de prêts avec obligation d’achat sont inclus dans le décompte pour l’année où ils ont été conclus. Dans la limite des informations disponibles, les données sur les bénéficiaires prennent en compte les pourcentages à la revente négociés par les clubs précédents.

2. Sommes investies

Pour la première fois depuis 2012, les indemnités de transfert payées par les clubs du big-5 ont été inférieures à celles de l’année précédente. En 2018, une baisse de 2,4% a été enregistrée par rapport à 2017 : €5,82 contre €5,96 milliards. La forte augmentation observée lors du mercato d’hiver 2018 n’a pas eu de suite en été. Sur l’ensemble de l’année, les montants investis ont été tout de même nettement supérieurs à ceux déboursés en 2016 : +€1,59 milliards (+37,6%).

Figure 1 : investissements en indemnités de transfert des clubs du big-5, millions €

Tout au long de la période étudiée, les investissements des clubs de Premier League ont représenté 37,4% du total mesuré à l’échelle du big-5. Une proportion légèrement plus faible a été enregistrée en 2018 (36,5%). Depuis 2010, les formations anglaises ont dépensé 1,6 fois plus que les équipes italiennes, 2,1 fois plus que les espagnoles, 2,8 fois plus que les allemandes et 3,1 fois plus que les que françaises.

Figure 2 : répartition des investissements en indemnités de transfert entre ligues du big-5

Dans deux ligues, un nouveau record de dépenses a été établi en 2018: la Premier League anglaise et la Liga espagnole. Dans le premier cas, l’augmentation a été plutôt limitée (+2,1%). Dans le deuxième cas, par contre, la hausse par rapport au record de 2017 a été très forte (+80,4%). Grâce à une meilleure redistribution des droits de télévision et le succès international, la Liga est désormais bien installée en tant que deuxième force du football mondial.

Figure 3 : investissements en indemnités de transfert par ligue, millions €

Le classement des clubs ayant investi le plus en indemnités de transfert depuis 2010 donne à voir l’incroyable puissance financière d’une poignée d’équipes. Le trio de tête se compose de Manchester City, Chelsea et Barcelone. Quatre autres équipes ont dépensé plus d’un milliards d’euros en huit ans. Parmi les cadors du football européen, seuls Real Madrid (€912 millions) et Bayern Munich (€554 millions) se situent en dessous de ce seuil.

Figure 4 : investissements en indemnités de transfert par club, millions € (2010-2018)

En ce qui concerne 2018, Barcelone devance Liverpool et Juventus dans le classement des clubs les plus dépensiers. Dix équipes anglaises figurent aux vingt premières places. Borussia Dortmund et Monaco sont les seuls représentants des championnats allemand et français. Ce résultat traduit une grande partie les écarts financiers entre ligues du big-5.

Figure 5 : investissements en indemnités de transfert par club, millions € (2018)

3. Récipiendaires

L’analyse spatiale des équipes auxquelles ont bénéficié les sommes investies par les clubs du big-5 entre 2010 et 2018 montre que la plupart de l’argent reste à l’intérieur de ces championnats: 66,6% du total. Ce pourcentage atteint 69,9% en 2018. Cette hausse indique que les transferts les plus chers concernent de plus en plus des joueurs ayant déjà fait leurs preuves au sein des cinq grands championnats.

Figure 6 : récipiendaires des indemnités de transfert investies par les clubs du big-5

L’AS Monaco figure en tête des équipes ayant encaissé le plus d’argent pour des transferts réalisés vers des clubs du big-5 entre 2010 et 2018. L’équipe de la Principauté a encaissé presqu’un milliard d’euros en huit ans. De nombreux clubs aisés sont aux vingt premières places, tandis que Benfica et Porto sont les deux seules équipes extérieures aux cinq grands championnats présentes dans le classement.

Figure 7 : clubs ayant reçu le plus d’indemnités pour des transferts vers des équipes du big-5, millions € (2010-2018)

4. Bilans financiers

Au-delà des sommes dépensées et des récipiendaires, pour une compréhension optimale de l’économie du marché des transferts, il est indispensable d’étudier le bilan net des opérations tant par ligue que par club. Entre 2010 et 2018, les clubs du big-5 présentent un déficit cumulé de €7,29 milliards. À elle seule, la Premier League est responsable du 78,3% de ce déficit. Ce pourcentage a été de 85,7% en 2018.

Figure 8 : bilan financier des transferts, ligues du big-5

Malgré les investissements considérables effectués par Paris St-Germain (déficit cumulé de €874 millions), la Ligue 1 est le seul championnat du big-5 avec un solde positif (+€199 millions). En 2018, le bilan financier net des opérations de transfert réalisées par les équipes de la première division française a atteint un record historique (+€333 millions).

Le classement des équipes du big-5 avec le bilan financier le plus positif sur le marché des transferts entre 2010 et 2018 met de nouveau en exergue le cas exceptionnel de Monaco : +€289 millions (+€66 millions en 2018). Aux dix premières places on trouve cinq équipes de Ligue 1, trois de Serie A et deux de Liga. Aucun club actuellement présent en Premier League anglaise ne présente un bilan positif.

Figure 9 : bilan financier des transferts, ligues du big-5

Manchester City (-€1,04 milliards) et Paris St-Germain (-€917 millions) sortent du lot au niveau des équipes avec les bilans nets les plus négatifs en matière de transferts entre 2010 et 2018. Cinq équipes de Premier League sont aux dix premières places, au même titre que deux italiennes (Juventus et Milan), deux espagnoles (Barcelone et Real Madrid) et Paris St-Germain.

Figure 10 : bilans financiers des transferts les plus négatifs, équipes du big-5

5. Conclusion

Ce rapport illustre l’incroyable développement du marché des transferts intervenu lors de la dernière décennie parallèlement à l’expansion économique des championnats du big-5. Ces derniers sont en mesure d’investir de plus en plus d’argent en indemnités de transfert et salaires pour attirer et retenir les meilleurs talents de la planète.

Plus que tout autre championnat, la première division anglaise occupe une position centrale. L’analyse spatiale des bilans financiers des transferts internationaux ayant concerné des équipes du big-5 illustre le rôle moteur de la Premier League dans la structuration du marché. Entre 2010 et 2018, les six relations internationales avec les soldes monétaires les plus importants concernent la première division anglaise: -€905 millions vis-à-vis de la France, -€831 millions € vis-à-vis de l’Espagne, -€645 millions € vis-à-vis de l’Italie, -€582 millions € vis-à-vis de l’Allemagne, -€412 millions € vis-à-vis du Portugal et -€369 millions € vis-à-vis des Pays-Bas.

Figure 11 : soldes monétaires des transferts internationaux ayant impliqué les clubs du big-5, par ligue (2010-2018)

Malgré la légère baisse des dépenses observée en 2018 par rapport à 2017, le développement économique du haut de la pyramide du football professionnel laisse présager une nouvelle hausse des montants investis en indemnités de transfert dans un avenir proche. En place depuis une trentaine d’année, ce processus aboutit à une concentration poussée des talents au sein des clubs les plus riches. Cela permet la mise en place d’équipes très performantes, tout en renforçant le déséquilibre des compétitions.

 

 

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