Rapport mensuel de l'Observatoire du football CIES

n°26 - Juin 2017

Analyse du football féminin :
une comparaison entre cinq grandes ligues

Drs Raffaele Poli, Loïc Ravenel et Roger Besson

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1. Introduction

Le football féminin connaît un développement réjouissant. Au niveau de l’élite, le processus de professionnalisation est bien engagé dans plusieurs pays du monde entier. Dans la lignée des travaux de l’Observatoire du football CIES, ce rapport étudie la composition des effectifs dans cinq ligues parmi les plus développées de la planète : quatre européennes (Frauen Bundesliga en Allemagne, Damallsvenskan en Suède,  Division 1 féminine en France et Women’s Super League en Angleterre) et une nord américaine (National Women’s Soccer League).

L’analyse porte sur les critères d’âge, d’origine et de statut international des joueuses. Pour les statistiques à l’échelle des effectifs, nous avons pris en compte les joueuses alignées ou s’étant assises au moins une fois sur le banc lors de matchs de championnat depuis le début de la saison en cours jusqu’au 1er juin 2017. Les données sur le terrain sont pondérées selon le temps de jeu de chaque joueuse.

2. L’âge des joueuses

Les 1’251 joueuses prises en compte avaient en moyenne 24,1 ans au 1er juin 2017. Il s’agit d’un âge relativement jeune qui reflète la difficulté pour beaucoup de femmes d’accéder à des revenus suffisamment compétitifs afin de se consacrer durablement au football professionnel. Dans cette perspective, le développement économique des championnats les plus réputés devrait aboutir à une augmentation progressive de l’âge moyen des joueuses.

Figure 1 : moyenne d’âge des joueuses dans les effectifs et sur le terrain

La National Women’s Soccer League (NWSL) américaine réunit les joueuses les plus âgées tant au niveau des effectifs (25,7 ans) que sur le terrain (26,2 ans). Le seul championnat où l’âge moyen des effectifs est plus élevé que celui sur le terrain est la Women’s Super League (WSL) anglaise : 24,2 contre 23,9 ans. Au total, la première valeur est en moyenne d’un an plus faible que la deuxième, avec un écart maximal en Damallsvenskan (1,7 ans).

Figure 2 : âge sur le terrain, valeurs extrêmes par club et ligue

L’âge moyen sur le terrain varie fortement selon les clubs. Les écarts entre l’équipe la plus jeune et la plus âgée par ligue sont très élevés partout sauf aux États-Unis (2,6 ans seulement). Le plus fort enracinement du professionnalisme dans ce dernier pays explique la présence d’un nombre plus conséquent de joueuses expérimentées dans l’ensemble des équipes. Le club ayant en moyenne aligné les compositions les plus âgées est Rosengård (28,5 ans).

3. La présence d’expatriées

Le football féminin suscite de plus en plus de mouvements internationaux. Au 1er juin 2017, 274 footballeuses étaient expatriées dans les 55 clubs analysés (5,1 par équipe). La notion d’expatriée fait référence aux joueuses évoluant en dehors de l’association où elles ont commencé à pratiquer le football, qu’elles ont quitté suite au recrutement par un club étranger. La proportion d’expatriées dans les effectifs est d’au moins un cinquième dans toutes les ligues à l’exception de la Division 1 française.

Figure 3 : % d’expatriées dans les effectifs et sur le terrain

Dans tous les championnats, la présence relative d’expatriées est supérieure sur le terrain qu’au sein des effectifs. Ce résultat traduit le plus grand temps de jeu des joueuses importées de l’étranger. Cet écart est particulièrement marqué en Damallsvenskan et dans la NWSL. Au total, les expatriées représentent 22,3% des effectifs et disputent 26,3% des minutes de jeu. Dans les deux cas, les valeurs les plus élevées ont été enregistrées dans la Frauen Bundesliga allemande.

Seulement cinq clubs parmi les 55 analysés n’ont pas aligné de joueuses expatriées : Hammarby en Suède, Rodez, Saint-Étienne et Soyaux en France, ainsi que Chicago Red Stars aux États-Unis. À l’opposé, les expatriées ont disputé une majorité de minutes dans cinq équipes : SC Sand, Bayern Munich et Wolfsburg en Allemagne, ainsi que Rosengård et Vittsjö en Suède. Le pourcentage élevé mesuré à Yeovil Town s’explique par la forte présence de joueuses du Pays de Galles.

Figure 4 : % d’expatriées sur le terrain, valeurs extrêmes par club et ligue

Au total, 47 associations ont des représentantes expatriées dans les ligues étudiées. Désormais, aucun continent ne reste aux marges du développement du football féminin. La Frauen Bundesliga allemande attire le plus grand nombre d’origines : 30. Cette valeur varie entre 12 (Angleterre) et 21 (Suède) dans les autres ligues de notre échantillon.

Figure 5 : origines des expatriées

4. Les internationales

Un tiers des effectifs des équipes des ligues analysées sont composés par des joueuses ayant déjà évolué dans des sélections nationales A. Cette proportion est supérieure au quart dans l’ensemble des championnats. Elle atteint 39,9% dans la WSL anglaise du fait de la présence des nombreuses internationales des nations britanniques. Les internationales disputent une majorité des minutes dans deux championnats : la NWSL et la Frauen Bundesliga.

Figure 6 : % d’internationales dans les effectifs et sur le terrain

Les clubs féminins les plus performants alignent désormais presque exclusivement des joueuses disposant d’une expérience internationale. Les valeurs les plus élevées en absolu ont été mesurées à l’Olympique Lyonnais (97,7%) et à Wolfsburg (97,4%). Les internationales ont également disputé plus de 80% des minutes de jeu aussi à Rosengård, Bayern Munich, PSG et Eskilstuna United. À l’opposé, Hammarby et Bordeaux ne disposent d’aucune footballeuse internationale.

Figure 7 : % d’internationales sur le terrain, valeurs extrêmes par club et ligue

5. Conclusion

Le développement du football féminin s’accompagne d’une professionnalisation des championnats dans un nombre croissant de pays. Ce mouvement de fond implique de nombreux défis. Si le nombre de joueuses pouvant prétendre à une carrière professionnelle augmente, les conditions de travail sont loin d’être homogènes. À l’heure actuelle, seulement un nombre restreint de ligues et de clubs sont à même d’offrir un cadre professionnel de haut niveau.

Avec l’entrée en scène de clubs jusque-là présents uniquement au niveau du football des hommes, nous observons en outre le déclassement d’équipes féminines plus anciennement établies. Celles-ci ont de plus en plus de la peine à réunir les ressources nécessaires pour continuer à être compétitives. Si le niveau général du football féminin s’accroît, l’augmentation des moyens à disposition des clubs les plus puissants pose problème en termes d’équilibre compétitif.

Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de réfléchir à l’avenir du football professionnel féminin. L’éventuelle création de ligues internationales réunissant les équipes disposant des moyens les plus élevés pourrait permettre aux meilleures joueuses d’évoluer dans un cadre encore plus propice tant sur le plan sportif qu’économique. Dans le même temps, un tel développement ne serait pas sans conséquences sur les championnats nationaux.

Le regroupement des équipes les plus riches dans des ligues internationales ne devrait dans tous les cas pas se faire sans la mise en place de mécanismes justes et équitables visant à indemniser les équipes locales actives dans la formation de jeunes joueuses. Les instances gouvernantes doivent veiller à ce que le développement sportif et économique du football féminin ne se fasse pas au détriment des multiples acteurs ayant historiquement œuvré, et souvent même lutté, pour que cette pratique puisse s’affirmer et atteindre son niveau actuel.

 

 

 

Rapport mensuel n°26 - Juin 2017 - Analyse du football féminin