Rapport mensuel de l'Observatoire du football CIES

n°25 - Mai 2017

Les footballeurs expatriés dans le monde

 

Drs Raffaele Poli, Loïc Ravenel et Roger Besson

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1. Introduction

La 25ème édition du Rapport Mensuel de l’Observatoire du football CIES analyse la présence de footballeurs expatriés dans 137 ligues de 93 associations nationales du monde entier [liste complète, voir annexe]. Les championnats ont été sélectionnés en fonction de leur niveau de développement et de la possibilité d’accéder à des informations fiables sur les effectifs des équipes.

L’échantillon se compose des joueurs présents au 1er mai dans le contingent des clubs des ligues analysées ayant été alignés dans des matchs de championnat lors de la saison en cours. Dans les 116 compétitions où il a été possible de retrouver la liste des remplaçants, la présence sur le banc a aussi constitué un critère d’inclusion.

Pour tous les joueurs recensés, nous avons déterminé l’association d’origine. Cette notion fait référence à la fédération nationale où le joueur a grandi et commencé à jouer au football. Si le joueur se trouve en dehors de son association d’origine, il est alors considéré comme expatrié.

Au total, 12’051 joueurs expatriés ont été recensés dans les 2’120 clubs faisant partie de notre échantillon. En moyenne, une équipe dispose de 5,7 footballeurs expatriés (21,6% des effectifs). Ces valeurs varient entre 7,6 (27,9%) pour l’OFC (NZL) et 3,2 (11,9%) pour le COMMEBOL.

Figure 1 : échantillon de l’étude, par Confédération

Au niveau de l’âge, les footballeurs expatriés inclus dans l’étude avaient 26,8 ans au 1er mai 2017. À titre de comparaison, la moyenne d’âge des joueurs nationaux était de 25,3 ans. La classe d’âge la plus représentée parmi les expatriés est celle des joueurs de 26 ans. Les footballeurs de 21 ans ou moins représentent 14,1% des joueurs expatriés contre 28,9% pour les nationaux.

Figure 2 : pyramide de l’âge des footballeurs expatriés et nationaux

2. Les origines les plus représentées

Au total, 174 associations nationales avaient au moins un ressortissant actif à l’étranger dans un club pris en compte dans l’analyse. Le Brésil est le pays le plus représenté dans l’absolu (1’202 joueurs), suivi par la France (781) et l’Argentine (753). Les ressortissants de ces trois associations constituent 22,7% de l’ensemble des expatriés. Leur poids monte à 43,5% si on se limite aux dix principaux pays exportateurs.

Parmi les pays comptant plus de 200 expatriés, il y a neuf nations d’Europe, quatre d’Amérique du Sud et deux d’Afrique. À l’exception de l’Argentine, de l’Uruguay et de la Colombie, tous ces pays comptent une majorité de ressortissants évoluant dans des clubs d’associations membres de l’UEFA. Ce résultat reflète la centralité de l’Europe dans l’économie mondiale du football. Les États-Unis sont le plus gros exportateur au niveau de la CONCACAF (130 ressortissants). Le Japon est en tête de liste pour l’AFC (aussi 130 expatriés).

Figure 3 : principales associations exportatrices de joueurs

Treize des 20 associations dont le nombre d’expatriés se situe entre 100 et 200 sont aussi européennes. Les pays restants se trouvent en Afrique (Cameroun, Côte d’Ivoire et Sénégal), en Amérique du Nord (États-Unis), en Amérique du Sud (Paraguay) et en Asie (Japon et Corée du Sud). Parmi ces différentes origines, les Paraguayens, les Japonais et les Coréens sont les seuls pour lesquels l’Europe n’est pas la principale destination.

 

3. Les Brésiliens

Le Portugal constitue de loin la principale destination des Brésiliens. Au 1er mai 2017, 221 joueurs originaires du Brésil évoluaient dans les deux plus hauts niveaux de compétition portugais. Ces footballeurs étaient en moyenne plus jeunes que les expatriés brésiliens pris dans leur ensemble : 26,2 ans contre 27,6. Pour beaucoup de Brésiliens, le Portugal constitue le premier pays de migration à l’étranger.

Figure 4 : principales destinations des joueurs brésiliens

Le nombre d’expatriés brésiliens est supérieur à 20 dans 16 pays. Parmi ces derniers, il y a autant d’associations de pays européens que non-européens : on compte en effet six nations asiatiques (Japon, Thaïlande, Hong Kong, Corée du Sud, Chine et Indonésie), le Mexique et les États-Unis. Les Brésiliens sont présents dans 82 des 93 associations couvertes dans l’étude. À l’heure actuelle, le joueur brésilien constitue la seule main d’œuvre véritablement globale dans l’industrie du football professionnel.

4. Les Français

Presque un quart des footballeurs expatriés originaires de France évoluent dans des clubs anglais (107) ou belges (83). Quatre autres pays limitrophes font partie des dix principales destinations des joueurs français : le Luxembourg, l’Espagne, l’Allemagne et la Suisse. Par ailleurs, plus de 30 Français sont sous contrat avec des clubs professionnels grecs et turcs.

Figure 5 : principales destinations des joueurs français

Les Français sont aussi très présents en première division algérienne (33 joueurs). Dans la grande majorité des cas, il s’agit de footballeurs d’origine algérienne ayant grandi en France et qui sont retournés dans le pays de leurs parents pour poursuivre leur carrière professionnelle. Les États-Unis constituent la deuxième destination extra-européenne (21 joueurs). Au total, les Français sont présents dans 60 des 93 pays inclus dans l’étude.

5. Les Argentins

Le Chili est la principale destination des expatriés argentins. Au 1er mai 2017, 106 Argentins évoluaient dans les deux divisions chiliennes prises en compte dans ce rapport. Le nombre de footballeurs argentins enregistré au Mexique est aussi très élevé (97 footballeurs). Dans les deux cas, les Argentins constituent l’origine la plus représentée parmi les expatriés.

Figure 6 : principales destinations des joueurs argentins

L’Espagne, l’Italie et la Grèce sont les trois seules associations européennes parmi les dix principales destinations des joueurs argentins. À l’exception des États-Unis, tous les autres pays se situent en Amérique du Sud. Si les Brésiliens sont la main d’œuvre globale par excellence, les Argentins jouent un rôle similaire en Amérique latine. Au total, ils sont présents dans 59 des 93 associations analysées.

6. Les Serbes

À l’image des joueurs français, les footballeurs serbes sont nombreux dans des pays limitrophes ou géographiquement proches comme la Bosnie-Herzégovine, la Grèce, la Hongrie ou la Slovaquie. Les premières destinations que situent en dehors de l’UEFA sont Hong Kong et l’Ouzbékistan. Néanmoins, le nombre de Serbes y demeure limité (7 joueurs).

Figure 7 : principales destinations des joueurs serbes

Les footballeurs serbes sont présents dans 57 des 93 pays inclus dans l’étude. Il s’agit d’un nombre presqu’aussi élevé que celui enregistré pour les Français. Bien que moins nombreux, les expatriés serbes bénéficient de réseaux de migration aussi diversifiés que les joueurs français. Le nombre de footballeurs serbes évoluant à l’étranger est également remarquable compte-tenu de la petite taille du pays (environ 7 millions d’habitants).

7. Les Anglais

La présence de l’Angleterre parmi les cinq principales associations exportatrices de joueurs est fortement liée au grand nombre d’Anglais expatriés dans les autres nations britanniques, notamment le Pays de Galles (143 footballeurs) et l’Écosse (114). Plus de la moitié des Anglais qui jouent à l’étranger évoluent dans des clubs de ces pays*.

[* Les joueurs anglais de clubs gallois participant aux championnats anglais n’ont pas été considérés comme expatriés. La même règle a été appliquée pour l’ensemble des cas du même type (Américains dans les équipes canadiennes de MLS, etc.)]

Figure 8 : principales destinations des joueurs anglais

Les Anglais sont aussi nombreux dans un pays émergent du football : les États-Unis (50 joueurs). Selon toute vraisemblance, ce nombre va encore augmenter dans les années à venir. Les Anglais constituent le premier contingent d’expatriés dans un autre pays anglophone : la Nouvelle-Zélande. Au total, ils sont représentés dans 41 des 93 pays de l’étude.

8. Conclusion

La migration de joueurs n’est pas un phénomène récent dans le football. Son ampleur n’a cessé de croître lors des trois dernières décennies avec le développement de championnats professionnels aux quatre coins du globe. Des joueurs expatriés sont présents dans l’ensemble des 93 associations et 137 ligues couvertes dans l’étude. Dans sept championnats, ils représentent la majorité des effectifs*.

[* À ce propos, l’Atlas Digital de l’Observatoire du football CIES présente la statistique du temps de jeu des expatriés dans 31 championnats de première division européens]

La présence dans des clubs étrangers de joueurs originaires de 174 associations nationales illustre également l’ampleur du processus de mondialisation du marché du travail des footballeurs. Néanmoins, ce rapport met aussi en exergue la concentration des exportations de joueurs depuis trois pays en particulier : le Brésil, la France et l’Argentine. Au total, 2’736 des 12’051 expatriés recensés sont originaires de ces nations (22,7%).

Si le football est un sport mondial, toutes les associations n’ont pas encore la capacité de former des joueurs d’un niveau suffisant pour attirer l’intérêt de clubs étrangers. Dans un contexte très compétitif, tout pays où le football n’est pas un sport traditionnel a besoin de temps et de moyens considérables pour implémenter la culture nécessaire à la formation de joueurs de qualité.

De ce point de vue, le rôle en matière de développement joué par la FIFA, les Confédérations et les associations nationales est de la plus haute importance. Il apporte une contribution décisive à la croissance du football dans une optique d’universalité. En tant que passionnés du jeu, nous ne pouvons qu’encourager toute initiative visant à la création de clubs et de compétitions dans le monde entier. Il est en ce sens utile de rappeler que sans football de base, l’élite n’existe pas.

En ce qui nous concerne, dès l’année prochaine, nous ambitionnons de reproduire cette étude en intégrant de plus en plus de championnats. Par ce travail, nous entendons aussi apporter une petite pierre à l’édifice d’un football durable et universel.

Annexe : Ligues couvertes par l'étude

 

Rapport mensuel n°25 - Mai 2017 - Les footballeurs expatriés dans le monde