Rapport mensuel de l'Observatoire du football CIES

n°24 - Avril 2017

La bourse démographique :

un nouvel outil au service du football

Drs Raffaele Poli, Loïc Ravenel et Roger Besson

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1. Introduction

La 24ème édition du Rapport Mensuel de l’Observatoire du football CIES étudie l’évolution démographique des ligues du big-5 depuis la saison 2009/10. L’analyse porte sur le pourcentage de minutes disputées en championnat par quatre catégories de joueurs : les formés au club, les moins de 21 ans, les expatriés et les nouveaux arrivés.

Les joueurs formés au club sont les footballeurs ayant disputé au moins trois saisons entre 15 et 21 ans dans le club d’emploi. La catégorie des joueurs de moins de 21 ans inclue les footballeurs n’ayant pas encore fêté leur 22ème anniversaire au moment des matchs disputés. Les expatriés sont les joueurs évoluant dans un club situé en dehors de l’association où ils ont grandi. Les nouveaux arrivés sont les footballeurs présents depuis moins d’une année dans la première équipe du club d’emploi.

Les données présentées renvoient aux six mois précédant la date de référence. Ainsi, les valeurs au 1er janvier 2010 font référence aux matchs de championnat disputés entre le 1er juillet et le 31 décembre 2009.

2. Formation

Depuis la saison 2009/10, l’utilisation de footballeurs formés au club dans les cinq grandes ligues européennes est restée relativement stable autour de 15%. Le plus fort pourcentage de minutes disputées par cette catégorie de joueurs a été mesuré entre février et août 2011 : 17,5%. À l’opposé, la valeur la plus faible a été enregistrée entre juin et décembre 2015 : 12,9%. Lors du dernier relevé (13 mars 2017), le pourcentage était de 14,0%.

Au début de la période analysée, le championnat dont les équipes utilisaient le moins de joueurs formés au club était la Serie A italienne (5,5%). À l’heure actuelle, c’est en Premier League anglaise que cette catégorie de footballeurs bénéficie du plus faible temps de jeu (6,1%). Par contre, la Liga espagnole (21,6%) et la Ligue 1 française (20,6%) présentent les valeurs les plus élevées.

En termes d’évolution, la plus forte baisse a été observée en Angleterre. Après avoir atteint son maximum en août 2011 (13,6%), le pourcentage de minutes des joueurs formés au club en première division anglaise a diminué de manière constante jusqu’à présent (6,1%). Parmi les autres championnats analysés, le seul où le niveau actuel est significativement supérieur à celui mesuré au début de la période prise en compte est la Serie A italienne.

Figure 1 : % de minutes des joueurs formés au club (janvier 2010 – mars 2017)

L’analyse des valeurs extrêmes par club donne à voir la diversité des cas possibles. Entre mai et novembre 2012, à Real Sociedad, les joueurs formés au club ont disputé 71,5% des minutes de championnat. La même valeur avait été enregistrée environ deux ans auparavant au sein d’un autre club basque, Athletic Club Bilbao. Plusieurs clubs très performants figurent parmi les autres équipes ayant fait le plus confiance à des joueurs issus de leur centre de formation : notamment Lyon, Barcelone, Arsenal et Bayern Munich.

Aucune des dix équipes dans le top 10 n’a été reléguée au terme de la saison durant laquelle le pourcentage maximal a été observé. Par contre, plusieurs équipes parmi les moins enclines à utiliser des joueurs issus du centre de formation ont connu la relégation lors de la saison du relevé. Ce résultat montre qu’ignorer la formation constitue un danger sportif de taille. Ce constat s’applique aussi aux championnats les plus riches de la planète.

Figure 2 : % de minutes des joueurs formés au club, valeurs extrêmes par équipe* A l'issue de la saison

3. Emploi de jeunes

L’analyse de la présence sur le terrain de joueurs de moins de 21 ans illustre aussi l’existence d’approches très différentes dans la manière de composer un effectif. Au niveau du big-5, le pourcentage de minutes des U21 a légèrement augmenté lors de la période prise en compte : de 9,9 à 11,0%. La valeur minimale a été mesurée en novembre 2012 (9,1%), tandis que le niveau maximal a été atteint en décembre 2013 (11,9%).

Le niveau d’utilisation de jeunes varie fortement selon les ligues. De même, les évolutions sont parfois passablement différentes. Au cours de la période analysée, la Ligue 1 française a dépassé la Bundesliga allemande en tant que championnat où les équipes font le plus confiance aux joueurs de moins de 21 ans. À l’opposé, la Premier League anglaise a dépassé la Serie A italienne en tant que championnat où les U21 disposent du plus faible temps de jeu. Le pourcentage dans la Liga espagnole est resté stable autour de 10%.

Lors des six derniers mois, la part de minutes de championnat disputées par les U21 a été de 5,2% en Premier League, 10,1% en Serie A, 11,1% dans la Liga, 13,3% en Bundesliga et 15,7% en Ligue 1. En Angleterre, la valeur actuelle est très proche du record négatif mesuré en août 2013. En Italie, par contre, le record enregistré en janvier 2017 pourrait être de nouveau battu d’ici au terme de la saison.

Figure 3 : % de minutes des joueurs de moins de 21 ans (janvier 2010 – mars 2017)

Les clubs allemands et français monopolisent le top 10 des équipes où les U21 ont disputé le plus fort pourcentage de minutes. En règle générale, le rang obtenu par ces équipes lors de la saison où le record a été enregistré est nettement meilleur que celui des clubs n’ayant pas aligné de joueurs de moins de 21 ans. Quatorze des 17 équipes dans ce dernier cas de figure ont été reléguées à l’issue de la saison du relevé. Ce résultat suggère que l’utilisation de jeunes est tout sauf handicapante.

Figure 4 : % de minutes des joueurs de moins de 21 ans, valeurs extrêmes par équipe* A l'issue de la saison

4. Expatriés

Entre le début et la fin de la période prise en compte, à l’échelle des cinq grands championnats européens, le pourcentage de minutes disputées par les footballeurs expatriés est passé de 44,4% à 48,2%. Pourtant, de janvier 2010 à fin 2011, une baisse avait été constatée. Par la suite, la tendance s’est inversée. Un nouveau record a été enregistré en janvier 2017 (48,7%). Si cette évolution se confirme, la part de minutes des joueurs importés de l’étranger dépassera bientôt le seuil symbolique de 50%.

À l’heure actuelle, les expatriés représentent déjà plus de la moitié des joueurs alignés en Premier League anglaise et en Serie A italienne. Dans les deux cas, nous sommes proches des valeurs record. La Serie A se différencie aussi des autres ligues par rapport à l’ampleur de l’augmentation mesurée depuis la saison 2009/10. Par contre, la Bundesliga allemande est le seul championnat où la valeur actuelle est inférieure à celle enregistrée au 1er janvier 2010.

Figure 5 : % de minutes des joueurs expatriés (janvier 2010 – mars 2017)

Le pourcentage d’expatriés est très variable en fonction des clubs. À un extrême, au début de la saison en cours, les expatriés ont disputé 98,9% des minutes à Udinese. À l’autre extrême, ce pourcentage n’a été que de 7,0% à St. Pauli entre septembre 2010 et février 2011. Si l’utilisation quasi exclusive d’expatriés ne mène pas au succès, à l’exception du cas spécifique d’Athletic Club Bilbao, l’absence presque totale de cette catégorie de joueurs semble plutôt pénalisante.

Figure 6 : % de minutes des joueurs expatriés, valeurs extrêmes par équipe* A l'issue de la saison

5. Mobilité

Le pourcentage de minutes de joueurs présents dans la première équipe du club d’emploi depuis moins d’une année a augmenté lors de la période couverte par l’étude. Le temps de jeu des footballeurs nouvellement arrivés est passé de 31,1% en janvier 2010 à 34,9% en mars 2017. La valeur maximale a été enregistrée le 12 août 2016 (37,6%).

Dans toutes les ligues, les pourcentages minimaux ont été observés entre 2010 et 2011. À l’exception de la Premier League anglaise, les valeurs actuelles sont supérieures à celles mesurées au début de la période analysée. Elles varient entre 29,1% en première division anglaise et 38,8% en Ligue 1. Le niveau français s’explique en premier lieu par la plus forte présence de jeunes débutants par rapport aux autres championnats du big-5.

Le cas italien est particulier tant au niveau de l’ampleur de la mobilité que de l’évolution observée. Dans un contexte de difficultés économiques, les équipes de Serie A sont devenues beaucoup plus instables. Loin de résoudre les problèmes, ce processus agit négativement sur la compétitivité des clubs de la Péninsule. Si les investisseurs étrangers rentrés dans le capital de plusieurs équipes de Ligue 1 font preuve de clairvoyance, la France pourrait bientôt dépasser l’Italie dans le classement UEFA.

Figure 7 : % de minutes des nouveaux arrivés (janvier 2010 – mars 2017)

L’analyse des valeurs extrêmes par club montre qu’une trop forte présence de nouvelles recrues sur le terrain amène très souvent à l’échec. Ainsi, la plupart des équipes ayant le plus utilisé de nouveaux joueurs ont connu la relégation en fin de saison. Par contre, le très faible recours à des nouvelles recrues peut constituer un avantage. Cependant, les exemples de Tenerife, Auxerre, Lens ou Bochum montrent que cette stratégie peut aussi se révéler dangereuse.

Figure 8 : % de minutes des nouveaux arrivés, valeurs extrêmes par équipe* A l'issue de la saison

6. Conclusion

Unique en son genre, la bourse démographique va permettre aux acteurs et passionnés du football de monitorer avec précision l’évolution de ce marché du travail particulier. L’équipe de recherche de l’Observatoire du football CIES est fière d’être ainsi à même de contribuer une fois de plus à repousser les frontières de la connaissance au service du jeu le plus populaire de la planète.

À l’avenir, notre objectif est de transformer la bourse démographique en un outil interactif disponible gratuitement en ligne. Nous ambitionnons également d’inclure plus de ligues que celles couvertes dans ce Rapport. Dans un premier temps, il s’agira d’ajouter les championnats déjà inclus dans notre Atlas Digital. Par la suite, nous espérons être en mesure d’élargir encore davantage le spectre de notre couverture. L’intérêt croissant que vous portez à nos études nous encourage à aller dans cette direction.

 

 

 

Rapport mensuel n°24 - Avril 2017 - La bourse démographique