Rapport mensuel de l'Observatoire du football du CIES

n°11 - Janvier 2016

Le profil des meilleures sélection nationales

Drs Raffaele Poli, Loïc Ravenel et Roger Besson

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1. Introduction

Le premier Rapport Mensuel de l’année 2016 analyse les caractéristiques des joueurs utilisés en 2015 par 50 sélections nationales du monde entier, choisies en fonction de leur rang moyen dans le classement FIFA pour l’année 2015. Il s’agit de 32 associations européennes, six d’Amérique du Sud, six d’Afrique, trois d’Asie et trois d’Amérique du Nord et du Centre.

La publication compare dans un premier temps les sélections nationales du point de vue de l’âge des joueurs utilisés (chapitre 2), puis analyse les différences mesurées en termes de taille et de poids des joueurs (chapitre 3).

Ensuite, l’analyse porte sur les clubs où les joueurs étaient employés lorsqu’ils ont disputé des matchs internationaux (chapitre 4), en considérant à la fois la localisation des clubs d’emploi (dans le pays représenté ou en dehors) et le niveau de leur ligue d’appartenance (première division ou non). Enfin, nous étudions la part de joueurs nés en dehors du pays représenté (chapitre 5).

L’étude porte sur 1’785 footballeurs. En 2015, une sélection a en moyenne disputé 11 rencontres et utilisé 35,2 joueurs. L’équipe la plus active a été le Mexique : 23 matchs et 58 joueurs utilisés. A l’opposé, quatre sélections européennes n’ont disputé que 7 rencontres : Albanie, Israël, Pays de Galles et Croatie. Aucune sélection n’a utilisé aussi peu de joueurs que l’Autriche : 24. En annexe, nous présentons les données pour l’ensemble des équipes.

Le footballeur le plus utilisé dans l’absolu a été Michael Bradley des Etats-Unis. Le joueur du FC Toronto a disputé 18 rencontres pour un total de 1’669 minutes. Gyasi Zardes, un autre membre de la sélection américaine, occupe la deuxième position. Le joueur de Los Angeles Galaxy a débuté en équipe nationale le 28 janvier 2015 pour ensuite enchaîner les matchs: au total, 19 rencontres et 1’409 minutes de jeu.

2. Âge

L’âge moyen des joueurs utilisés par les 50 sélections nationales prises en compte dans l’étude est de 26,6 ans. Cette valeur monte à 27,2 ans si on prend en compte la moyenne mesurée sur le terrain. À cet âge, les joueurs disposent d’une expérience suffisante pour exprimer tout leur potentiel, tout en gardant une forme physique leur permettant de cumuler les efforts.

D’importantes différences ont été observées en fonction des pays. L’âge moyen sur le terrain le plus élevé a été mesuré pour l’Écosse : 29,0 ans. Malgré l’expérience des joueurs alignés, les Écossais n’ont pas su se qualifier pour la phase finale des championnats d’Europe. Il est sans doute temps d’analyse en profondeur les raisons des multiples échecs connus lors des dernières décennies.

A l’opposé, trois équipes africaines ont aligné les joueurs en moyenne les plus jeunes : Nigeria, Ghana et Cameroun. Cependant, ce résultat doit être analysé avec précaution dans la mesure où les joueurs nés en Afrique tendent à être plus âgés que ce qu’ils prétendent. Courante, la triche sur l’âge permet d’obtenir un avantage compétitif dans les catégories de jeunes. À plus long terme, cependant, cette pratique est contre-productive dans la mesure où elle ne permet pas une valorisation optimale des talents. C’est une des raisons pour lesquelles le potentiel des sélections africaines reste pour l’instant inexploité.

Si on exclut les sélections africaines, les pays ayant en moyenne aligné les joueurs les plus jeunes sont les Pays-Bas et l’Angleterre : 25,6 ans. Dans le premier cas, le choix de la jeunesse n’a pas été payant dans la mesure où les Néerlandais n’ont pas été capables de se qualifier pour l’Euro 2016. Dans le cas des Anglais, par contre, les résultats ont été probants. La jeunesse du parc des joueurs à disposition de Roy Hodgson témoigne d’un renouveau qui laisse présager un avenir prometteur.

Figure 1 : Âge moyen sur le terrain, année 2015

Les joueurs de moins de 22 ans n’ont en moyenne disputé que 6,0% des minutes de jeu. Ce pourcentage monte à 32,5% pour les footballeurs entre 22 et 25 ans, puis à 39,0% pour la tranche d’âge la plus représentée : celles des joueurs ayant entre 26 et 29 ans au moment du match. Les minutes restantes ont été disputées par les footballeurs de 30 ans ou plus : 22,5%.

D’importantes différences existent entre les sélections nationales étudiées. Deux pays n’ont utilisé aucun joueur de moins de 22 ans au moment des rencontres disputées : l’Italie et la République Tchèque. A l’opposé, on observe un taux d’emploi des jeunes joueurs très élevé, environ 20%, pour le Cameroun, la Turquie, l’Angleterre et le Nigeria.

Les plus forts pourcentages de minutes disputées par des joueurs de 30 ans ou plus ont été mesurés pour la Slovaquie (42,7%) et le Brésil (41,1%). Si Ján Kozák et Carlos Dunga ont misé sur l’expérience, les entraîneurs de la Colombie, de la Belgique, de l’Allemagne et de l’Angleterre n’ont pas considéré opportun de s’appuyer sur des trentenaires. Le pourcentage des minutes disputées par cette catégorie de joueurs dans les sélections citées oscille entre 6 et 9%.

Figures 2 et 3 : % de minutes disputées par les joueurs de moins de 22 ans et de plus de 30 ans

Plus de 22 ans séparent le plus jeune joueur aligné en 2015 par les sélections nationales étudiées, le défenseur roumain Cristian Manea (17,4 ans), et le footballeur le plus âgé, le gardien hongrois Gábor Király (39,6 ans). Le plus vieux joueur de champ a été le défenseur portugais Ricardo Carvalho. Il avait 37,4 ans lors de la dernière rencontre disputée contre le Danemark au mois d’octobre.

Figure 4 : Les plus jeunes et les plus vieux joueurs au moment du match, année 2015

3. Taille et poids

La taille moyenne des joueurs alignés lors des rencontres disputées en 2015 par les sélections nationales analysées est de 181,9 cm. Des différences significatives existent entre, d’une part, les équipes nationales européennes, et, d’autre part, les sélections sud-américaines.

Huit des dix équipes ayant en moyenne évolué avec les joueurs les plus grands font partie de l’UEFA. À l’opposé, le Mexique et les six sélections de la CONMEBOL incluses dans l’étude font partie des dix équipes les plus petites.

L’Espagne est la seule sélection européenne alignant des joueurs de moins de 180 cm en moyenne. Par contre, aucune équipe de la CONMEBOL n’a évolué avec des footballeurs dont la taille moyenne est supérieure à 180 cm. La valeur maximale a été mesurée pour la Colombie.

Dix centimètres séparent les pays avec les valeurs record en termes de taille moyenne sur le terrain : la Serbie (185,6 cm) et le Chili (175,6 cm). Dans le cas des Serbes, la prestance physique n’a pas été suffisante pour se qualifier pour l’Euro 2016. La petite taille n’a par contre pas empêché les Chiliens de gagner la Copa América.

Figure 5 : Taille moyenne sur le terrain (en cm), année 2015

Trois pays n’ont aligné aucun joueur de moins de 175 cm : les champions du monde allemands, la Tunisie et la Slovénie. Par contre, toutes les sélections ont utilisé au moins un footballeur dépassant 185 cm. Au total, les « petits » joueurs n’ont disputé que 18,5% des minutes, tandis que les « grands » en ont joué 30,7%.

Le pourcentage de minutes disputées par des joueurs de plus de 185 cm a été inférieur à 10% seulement pour le Chili, le Japon et la Colombie. Par contre, cette catégorie de footballeurs a joué une majorité de minutes dans les sélections serbe, islandaise, slovène et suédoise.

Le cas du Nigeria est très particulier dans la mesure où deux morphotypes de joueurs bien distincts co-existent en équipe nationale. En effet, les joueurs de moins de 175 cm sont tout aussi présents que les footballeurs de plus de 185 cm (environ 40% des minutes dans les deux cas), tandis que les joueurs de taille intermédiaire sont pratiquement absents (15% des minutes au total).

Figure 6 et 7 : % de minutes disputées par les joueurs de moins de 175 cm et de plus de 185 cm

L’analyse du poids des joueurs fait aussi apparaître d’importantes différences entre les sélections nationales analysées. A un extrême, les footballeurs utilisés par l’Ecuador ne pèsent en moyenne que 71,4 kg. A l’autre extrême, trois sélections ont évolué avec des footballeurs dépassant 80 kg en moyenne : la Suède, la Serbie et la Hongrie.

Figure 8 : Poids moyen sur le terrain (en kg), année 2015

4. Clubs d'emplois

La concentration des richesses et des talents au sein des clubs d’une poignée de ligues à l’échelle mondiale implique que la part des joueurs qui évoluent en dehors du pays représenté est très importante. En moyenne, 68,9% des minutes disputées par les équipes nationales analysées l’ont été par des footballeurs jouant à l’étranger.

Dans douze cas seulement, ce pourcentage est inférieur à 50%. La plupart des pays qui se trouvent dans ce cas de figure accueillent des ligues bien dotées financièrement, que ce soit en absolu (Angleterre, Italie, Allemagne, Espagne) ou dans le cadre de leur aire géographique (Russie, Ukraine, Turquie, Mexique, Iran, Tunisie).

A l’opposé, les pays avec les pourcentages de minutes les plus élevés disputées par des joueurs sous contrat avec des clubs étrangers au moment des rencontres ne disposent pas de ligues fortes d’un point de vue économique : Sénégal, Irlande du Nord, Bosnie, Côte d’Ivoire, Albanie, Islande, Serbie, etc. Dans ces pays, seuls les joueurs évoluant à l’étranger ont une chance réelle d’être sélectionnés.

Figure 9 : % de minutes disputées par les joueurs  évoluant à l’étranger

D’une manière générale, il apparaît également qu’évoluer dans un championnat de première division est une condition presque indispensable pour représenter une des 50 meilleures sélections nationales. Le pourcentage de minutes disputées par des footballeurs sous contrat avec des clubs participant au premier niveau de compétition de leur pays d’appartenance atteint 93,7%.

Ce pourcentage est inférieur à 80% seulement pour trois sélections britanniques : l’Irlande du Nord (54,5%), l’Écosse (62,1%) et le Pays de Galles (67,1%). Une part significative des joueurs représentant ces sélections évoluent en effet dans le championnat de deuxième division anglais. Ce dernier n’a cependant rien à envier à de nombreux championnats de première division, que ce soit sur le plan sportif ou économique.

Figure 10 : % de minutes disputées par les joueurs  évoluant dans un championnat de D1

Presque la moitié (46,4%) des minutes de jeu disputées par les équipes analysées en 2015 l’ont été par des joueurs militant pour des équipes faisant partie des cinq grands championnats européens : Premier League anglaise, Liga espagnole, Serie A italienne, Bundesliga allemande et Ligue 1 française.

Un seul pays n’a pas aligné de joueurs évoluant dans les championnats les plus riches au monde : l’Iran. À l’opposé, l’Angleterre n’a utilisé que des footballeurs jouant dans le big-5. Tous les footballeurs utilisés par l’équipe anglaise faisaient partie de clubs de Premier League au moment des rencontres.

Le pourcentage de minutes disputées par des joueurs des grands championnats dépasse 80% pour sept nations européennes : Angleterre, Allemagne, Italie, France, Espagne, Suisse et Belgique. Il s’agit sans doute des équipes favorites pour l’Euro 2016.

Figure 11 : % de minutes disputées par les joueurs évoluant dans le big-5

5. Lieux de naissance

De nombreux joueurs utilisés par les sélections nationales analysées sont nés en dehors du pays représenté. Au total, ces joueurs représentent 11,3% des effectifs. Le nombre des footballeurs nés à l’étranger varie considérablement selon les équipes. Deux pays sont particulièrement actifs dans le rapatriement de ces joueurs : l’Algérie et l’Albanie.

Dans le cas de l’Algérie, seul 40% des minutes ont été disputées par des footballeurs nés dans le pays. Parmi les 35 joueurs utilisés en 2015, 21 sont nés en France. Dans le cas de l’Albanie, les footballeurs nés dans le pays n’ont disputé que 43,3% des minutes. Sur les 30 joueurs utilisés, 17 sont nés à l’étranger : sept en Suisse, sept au Kosovo, un en Norvège, un en Allemagne et un en Macédoine.

Figure 12 : % de minutes disputées par les joueurs nés à l’étranger

Quatorze autres pays tant européens que sud-américains, nord-américains ou africains ont utilisé au moins cinq joueurs nés à l’étranger : Bosnie, Ghana, France, Nigeria, Etats-Unis, Pays de Galles, Suisse, Grèce, Portugal, Écosse, Sénégal, Tunisie, Turquie et Chili. Dans un contexte de mondialisation, ces exemples vont probablement se multiplier à l’avenir.

 

Rapport mensuel n°11 - Janvier 2016 - Le profil des meilleures sélections nationales